2019/21: Voyage intime au milieu de mémoires à vif, le 17 octobre 1961, de Marie-Odile TERRENOIRE

Comprendre l’enchaînement des circonstances qui ont conduit au massacre d’octobre 1961 à Paris fut le projet de l’auteure, fille de Louis Terrenoire, ministre du général de Gaulle et porte-parole du gouvernement de février 1960 à avril 1962. Cinquante ans après le drame provoqué par la répression policière, elle cherche à déterminer les responsabilités gouvernementales tout en s’interrogeant sur l’utilité des commémorations répétitives des massacres passés pour conjurer l’avenir. Elle raconte le long cheminement de sa recherche. C’est au nom d’une lucidité personnelle et pour en avoir le cœur net qu’elle se nourrit des dossiers que son père a laissés aux Archives nationales : son journal et les notes qu’il a prises sur le vif au Conseil des ministres. Ce sont des documents inédits que Marie-Odile Terrenoire met en regard avec les recherches les plus connues sur la tuerie d’octobre 1961, celles de Jean-Luc Einaudi, de Jean-Paul Brunet et celle de Jim House et Neil MacMaster. Elle éclaire les rôles respectifs de Maurice Papon, Roger Frey, Michel Debré et du général de Gaulle. Elle décrit comment la ligne gouvernementale se traduit par altérations successives au niveau de l’exécution.

Tout d’abord, je remercie Masse Critique de Babelio et les Editions Recherches de l’envoi de ce service presse très intéressant.

Marie-Odile Terrenoire est la fille de Louis Terrenoire, qui fut l’une des figures du gaullisme de gauche. D’abord journaliste, il dénonce dans L’Aube les menaces du nazisme et prend position pour les républicains espagnols. Il entre dans la Résistance en juillet 1940 et est nommé secrétaire du CNR (Conseil National de la Résistance) en 1943. Il sera arrêté par la Gestapo, relâché, arrêté de nouveau, torturé et déporté à Dachau. En 1952, le Général de Gaulle le nomme secrétaire général du RPF. Il devient Ministre de l’Information de février 1960 à août 1961, puis Ministre délégué des relations avec le Parlement auprès du Premier Ministre (août 1961 / avril 1962). Porte-parole du Général de Gaulle durant les 26 derniers mois de la guerre d’Algérie.


Il est membre du Parlement européen de 1963 à 1967 (et en est le vice-président de 1967 à 1973). Il est président de l’ASFA (Association de solidarité franco-arabe) à partir de 1967. Il s’investit dans les associations d’anciens déportés, internés ou patriotes résistants.

Ce 12 octobre 2011, Marie-Odile Terrenoire reçoit ce courriel intitulé « Cinquantenaire d’un crime d’Etat« , rappelant le massacre du 17 octobre 1961:

« Qu’il s’agisse d’un crime d’Etat, personne ne peut plus en douter. Le préfet de police Papon a organisé le massacre de concert avec le ministre de l’Intérieur de l’époque, Roger Frey, et leur action n’a jamais été désapprouvée ni par le Premier Ministre, ni par le Président de la République, le général de Gaulle. Il ne s’agit donc pas d’une bavure ou d’un dérapage mais d’une décision politique délibérée et assumée par les plus hauts sommets de l’Etat. »

Marie-Odile est profondément choquée. Elle qui gardait une image héroïque de son père, le voilà mis au banc des bourreaux… Alors, elle va se pencher sur les documents laissés par son père, notamment son journal et le fonds Louis Terrenoire conservé au département des Archives privées des Archives Nationales. Elle entreprend une fouille minutieuse de ces documents, des témoignages laissés par son père afin de faire la lumière sur les responsabilités respectives des protagonistes politiques de l’époque.

Il s’agit là d’une enquête très intéressante, sur un fait de notre histoire dont j’ignorais tout. Marie-Odile remonte le temps, évoque la guerre d’Algérie (évidemment) et les positions de De Gaulle face à la révolte. Ses découvertes égratignent Michel Debré (encore lui!! Il a aussi été mis en cause dans l’affaire des Enfants de la Creuse, Cf L’île aux enfants d’Ariane Bois), clairement hostile à la paix avec le FLN, contrairement au général De Gaulle qui souhaitait sortir rapidement de ce conflit. Michel Debré est l’un des déclencheurs du drame du 17 octobre 1961.

En effet, Debré, en désaccord avec la politique de De Gaulle par laquelle un accord avec le FLN devenait rapidement possible, n’avait plus la main sur le dossier algérien. Mais, il était responsable du maintien de l’ordre en France. Suite aux négociations entre De Gaulle et le FLN en août 1961, il aurait lancé une guerre interne contre la Fédération de France du FLN, organisée par Maurice Papon, ce fonctionnaire si zélé…

Papon organise à Paris et en région parisienne des rafles d’Algériens « indésirables » et autorise des expulsions massives vers l’Algérie. Des raids meurtriers sont organisés. Le Premier Ministre réunit alors un conseil interministériel suite auquel l’ordre est envoyé à tous les services dépendant de la préfecture d’instaurer un couvre-feu et une interdiction de circuler après 20 heures pour « les Français musulmans algériens ».

Quand ces gens sont sortis, désarmés, à l’appel de la Fédération de France du FLN, pour manifester leur désaccord face à cette injustice manifeste, ce jour d’octobre 2961, la violence de la répression fut inouïe.

Si certains protagonistes de cette triste période sont clairement coupables d’avoir provoqué ces évènements, d’autres n’en sont pas moins complices par leur silence, leur placidité.

Un récit intéressant, par lequel j’ai appris beaucoup. A lire.


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