Lorsqu’une femme claque la porte et s’en va, elle emporte le monde avec elle. Adem Naït-Gacem l’apprend à ses dépens. Ne supportant pas le vide laissé par le départ de son épouse, l’instituteur abandonne ses élèves et, tel un Don Quichotte des temps modernes, quitte tout pour partir sur les chemins. Livré aux vents contraires de l’errance, désormais vagabond, il rallie le camp des marginaux, des naufragés de la vie. Des rencontres providentielles jalonnent sa route: nain en quête d’affection, musicien aveugle au chant prophétique, vieux briscards, galériens convalescents et simples d’esprit le renvoient constamment aux rédemptions auxquelles il refuse de croire. Jusqu’au jour où il est rattrapé par ses vieux démons…
Ce soir-là, Dalal expliqua à son époux, Adem, que c’est fini, il ne reste rien à sauver entre eux. La faute à personne. Le temps, le quotidien, l’usure… Toujours est-il que Dalal a pris sa valise et est partie.
C’est là qu’Adem a vrillé. Il abandonne son poste d’instituteur, commence à boire, puis met quelques affaires dans un sac et quitte tout ce qui a fait sa vie jusque là. Comme si Dalal avait été un tuteur qui avait soutenu toute son existence.
Certaines blessures atteignent la plénitude du malheur dès lors que l’on cherche à comprendre pourquoi ce qui a importé plus que tout au monde doit cesser de compter.
Aucune réponse ne peut soulager la frustration qu’il ressent, rien n’y fait. Alors il part lui aussi.
Il se détruit à petit feu, alcool aidant, jusqu’à une agression. Il se retrouve dans un hospice, mais ne met pas ce temps à profit pour faire le point sur sa vie et son devenir. Il va repousser catégoriquement les mains tendues et rejettera toute l’aide qui lui sera proposée.
Il rejette systématiquement toute tentative d’échange et continue à entretenir sa déchéance. Il devient complètement asocial et très condescendant. Il se rend méprisant et arrogant. Il ne communique plus avec ses semblables, juste le strict nécessaire quand il n’a pas d’autre choix. Jamais un merci, jamais une once de reconnaissance.
Il fuit les regard et le jugement, vit dans la crainte d’un scandale qui ne verra jamais le jour, sinon dans son esprit. Il ne supporte pas le déshonneur de sa séparation qu’il perçoit comme l’échec le plus profond. Cette fuite en avant, désespérée, lui permet de ne pas s’affronter lui-même, de ne pas affronter l’image qu’il s’est créée de sa personne et de sa honte. Il fuit pour éviter de réfléchir, pour ne pas se remettre en question et affronter les réponses qui en découleraient.
Lorsque l’évidence vous met au pied du mur et que l’on s’évertue à chercher dans l’indignation de quoi se voiler la face, on ne se pose pas les bonnes questions, on triche avec soi-même.
Alors, pour rester seul, il est devenu vindicatif, détestable, irrespectueux, ingrat.
Mais l’homme est un animal social, n’est-ce pas? Le lien social est si important. Nous grandissons avec l’autre. L’autre nous permet de nous construire, nous offre reconnaissance, appartenance, protection. Sommes-nous capables de survivre sans attention, amitié ou amour?
Ce livre est une fable initiatique empreinte d’une profonde mélancolie.
ISBN 978-2-266-31617-0. 288 pages. 7,70 €. Editions Pocket.
Votre commentaire