Suite à la lecture des Yeux de Slimane-Baptiste Berhoun
Qu’est-ce que c’est?
La prosopagnosie est un trouble de la reconnaissance des visages. C’est une agnosie visuelle spécifique rendant difficile ou impossible l’identification ou la mémorisation des visages. Le prosopagnosique arrive à reconnaître les personnes par d’autres biais: l’allure générale, la taille, la corpulence, une coiffure familière, une barbe, …
Le malade peut même être incapable de reconnaître son propre visage. Son acuité visuelle est normale, il peut décrire en détail un visage familier mais n’y associe pas d’identité de reconnaissance.
La première description de cette pathologie a été rapportée par le neurologue allemand Joachim Bodamer en 1947 (cas de deux soldats atteints suite à la survenue de lésions cérébrales pendant la Seconde Guerre Mondiale).
La forme pédiatrique a été décrite en 1995 par la neurologue anglaise Helen McConachie.
Formes de la prosopagnosie
La prosopagnosie congénitale
Dite aussi développementale. Elle correspondrait à un défaut de développement du processus de reconnaissance des visages et ce sans lésions sous-jacentes à l’atteinte. La possibilité d’un facteur génétique a été avancée. Déjà dans l’enfance, le patient ne reconnaît pas ses proches, en n’associant pas un visage à un signe distinctif particulier, propre et unique à une personne.
La prosopagnosie dite acquise
Cette seconde forme résulte d’une lésion cérébrale. La cause première de l’apparition de ces lésions serait un AVC ischémique (déficit d’approvisionnement sanguin en oxygène et en sucre) dans le territoire cérébral alimenté par l’artère cérébrale postérieure. La seconde cause de lésion serait le traumatisme crânien.
D’autres problèmes peuvent être en cause: hématomes cérébraux, les encéphalites virales, les tumeurs cérébrales, par exemple. Cette maladie pourrait aussi être due à des troubles mentaux tels que les troubles de l’identité ou le dédoublement de personnalité.
Cette forme de prosopagnosie est souvent associée à un processus neurodégénératif.
Sous-formes de la prosopagnosie
La prosopagnosie aperceptive
Se caractérise par une défaillance de l’analyse structurale des visages, empêchant l’élaboration d’un percept susceptible d’activer une unité de reconnaissance faciale.
La prosopagnosie associative
L’accès aux processus de reconnaissance dysfonctionne. Dans ce cas, il y aurait une construction correcte de la représentation structurale mais celle-ci serait dans l’incapacité d’activer un registre de traitement nécessaire à l’accès aux informations sémantiques.
Cadre théorique
Bruce et Young ont introduit en 1986 l’un des modèles théoriques les plus influents, dans lequel ils postulent que le traitement des visages se réalise de manière sérielle, selon trois étapes:
- Une analyse structurale de l’ensemble du visage, ce qui conduit à la formation d’un « percept » basé sur les dimensions et les rapports entre les traits faciaux.
- L’appareillement de ce percept aux unités de reconnaissance faciales (ou URF)
- L’individu accède aux informations sémantiques relatives à l’identité de la personne, dans le cas où celle-ci est connue.
Chez le patient prosopagnosique, les étapes de traitement des images sont perturbées. Le dysfonctionnement pourrait résider soit dans l’étape initiale du traitement, soit dans l’étape plus tardive, rendant impossible l’accès aux unités de reconnaissance faciale et/ou aux informations sémantiques.
Localisation cérébrale
Les données développées dans ce paragraphe sont issues de travaux de la littérature scientifique. Les études analytiques de patients atteints de prosopagnosie montrent que plus de la moitié d’entre eux présentent des lésions cérébrales bilatérales. Mais les avis divergent : certains auteurs parlent de bilatéralité univoque alors que d’autres estiment qu’une lésion unilatérale suffit pour qu’apparaisse le trouble. Une des raisons pouvant expliquer le débat est la symétrie cérébrale. En effet, la mise en place cette symétrie ne suit pas de règles précises et dépend généralement de la latéralisation du sujet.
Qu’il s’agisse de lésions unilatérales ou bilatérales, ce sont les lobes temporaux et occipitaux qui sont les plus fréquemment touchés, tandis que les lobes frontaux et pariétaux semblent beaucoup moins atteints. Par ailleurs, il ressort de la littérature que ce sont les lésions droites et plus particulièrement situées dans les lobes temporal et occipital qui provoqueraient l’apparition des troubles. En effet, le lobe pariétal comprend certaines aires corticales composées de neurones liés aux processus mnésiques ainsi que de neurones dédiés à la reconnaissance d’objets associés, tels que les visages.
Ces régions cérébrales hébergent notamment certaines zones fonctionnelles primordiales qui interviennent dans la reconnaissance des visages : « fusiforme face area » (FFA, ou aire fusiforme des visages), zone du gyrus fusiforme, « occipital face area » (OFA, ou aire occipitale des visages), zone du gyrus occipital inférieur. On retiendra qu’il est plus fréquent d’observer une prosopagnosie associée à une lésion de l’hémisphère droit qu’à une lésion unique de l’hémisphère gauche.
Le , une équipe de chercheurs de l’Université Ben Gourion du Néguev a étudié grâce à l’IRM fonctionnelle plusieurs sujets atteints de prosopagnosie congénitale (PC):
- pour les personnes souffrant de PC, l’activation de la zone centrale – qui contient le thalamus, le pont, le cervelet, la moelle et la formation réticulée – est normale en présence de stimuli visuels ;
- ces mêmes personnes présentent toutefois une diminution de l’activation de la partie antérieure temporale droite du cortex cérébral, en particulier pour la zone impliquée dans la reconnaissance des visages connus, ainsi qu’une connectivité endommagée entre cette partie antérieure temporale et la zone centrale ;
- l’activité de l’amygdale, région impliquée dans la reconnaissance et l’évaluation des stimuli émotionnels, et ses relations avec la zone centrale sont intacts.
Hypothèses explicatives
Il faut identifier les mécanismes cognitifs à l’origine des dysfonctionnements observés chez les patients prosopagnosiques. Plusieurs hypothèses s’opposent, mais l’une d’entre elles est largement répandue, qui suppose que la prosopagnosie découlerait d’un déficit de traitement holistique. D’autres hypothèses sont apparues relativement récemment, mettant en cause une possible atteinte de la perception des distances, ou encore une atteinte des traitements visuels.
Le courant de pensée « holistique » né à la fin du XIXe siècle considère que la perception sensorielle d’une entité globale est qualitativement différente de la somme des perceptions individuelles de chacune de ses composantes.
Au travers des publications scientifiques, une tendance s’est largement répandue pour expliquer la prosopagnosie en termes de déficit d’intégration de composants locaux en un tout indissocié. En effet, des auteurs tel Galton (1883) considèrent que les traits du visage ne seraient pas représentés et perçus de façon indépendante, mais intégrés dans une représentation perceptive globale.
Les données actuelles de la littérature font évoquer la possibilité d’intervention d’autres facteurs explicatifs.
Sources:
https://fr.wikipedia.org/ Contenu soumis à la licence CC-BY-SA 3.0. Source : Article Prosopagnosie de Wikipédia en français (auteurs)
http://www.academie-medecine.fr/ Article Prosopagnosie de G. Assal.
https://lejournal.cnrs.fr/ Article Reconnaissance des visage, le code cérébral décrypté, de Lucie Bard
https://www.lemonde.fr/ Article La maladie de ceux qui ne reconnaissent pas les visages, de Guillemette Faure
http://www.academie-medecine.fr/ Article Trouble de la reconnaissance des visages: reconnaissance implicite, sentiment de familiarité, rôle de chaque hémisphère, de P. Verstichel
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